L'héritage de la chouette



Chris Marker dans "Libération" en 2004
Chris Marker, homme du paradoxe se refusait à la représentation. Peu d'images de lui. Il préférait apparaître sous la forme d'un chat orange et avec un pseudo. Il est mort ce 29 juillet 2012 à l'âge de 91 ans. 



L'héritage de la chouette :

Le  logo de notre association, La Sagesse de l'image, est une référence directe à Chris Marker. La chouette est un autre de ses animaux fétiches; c'est aussi celui d'Athéna, de la ville d'Athènes; c'est l'invention de la démocratie. 


Marker a réalisé une série documentaire pour la "7" (l'ancêtre de Arte) qui s'intitule "l'héritage de la chouette". Dans les épisodes comparaît une kyrielle d'intellectuels dont Cornélius Castoradis, Jean-Pierre Vernant ... intellectuels porteurs de l'idée démocratique  auxquels se réfèrent ceux qui pensent comme nous que la transformation du monde passe nécessairement par la lutte contre les inégalités de statut et de conditions des habitants de la Terre. Inégalités aussi dans la prise de décisions qui concernent l'humanité et plus que l'humanité. Ces intellectuels nous donnent à penser dans cette série de 12 épisode de 27 mn que la Grèce ancienne est le point d'origine pour une nouvelle donne démocratique (* voir en bas de page).
.

"Immemory" :
.
On m'avait demandé d'écrire un livre sur Marker. Finalement j'ai publié une étude sur Immemory son cédérom dont voici le dernier paragraphe : "Marker est un autre, un pseudo, la nécessaire captation de l'image de l'autre, son autre nom, la digression, les chemins de traverses, les pieds de nez continuels à l'Histoire, la réhabilitation d'un sourire de chat".  De ce cédérom, l'iris comme vortex est l'une des figures centrales, par exemple le tourbillon de Vertigo (Sueurs froides), les cercles concentriques d'une cible, ceux des stries d'un tronc d'arbre coupé, ou bien encore les cercles du chignon de Madeleine Elster ( Kim Novak). Sur une thématique de la duplication de l'identitéLa disparition et l'apparition des êtres et des événements sont reliés au mouvement des images, au désir - et je dirai à son cinéma - c'est à dire à l'autre.

Il y a chez Marker une réflexion sur l'Histoire en mouvement comme destin ;  un travail sur la nostalgie (le retour au même) et paradoxalement une ouverture au nouveau (au différent). L'image retrouve son origine, la même que le symbole : remplacer l'absent, ce qui manque. L'image pour Marker, photographe du mouvement, est un acte de vérité mais aussi de profonde amitié pour dire ce qui advient. Un mystique, un moine du cinéma, comme il y en eut de la philosophie, tous ayant une racine commune, faire acte de poète, de voyant, en se tenant sur un seuil. Un seuil où le singulier et le collectif sont les deux versants d'un même arrêt sur image, clair et lumineux.

* Figuration et agencement dans Immemory, cdrom de C.MarkerLes Cahiers du Circav n° 14 Le montage, Université Lille3. Éd. L'Harmattan 2003. 

Ps : Dans son geste premier  "Olympia 52", (sur les jeux olympiques de 1952) Marker s'oppose de manière implicite aux "dieux du stade" de Leni Riefenstahl (sur les jeux olympique de 1936).

.

  Contrechamp :

Marker vu par Wim Wenders
Chris Marker, né Christian-François Bouche-Villeneuve, le 29 juillet 1921 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) est décédé ce lundi, à l'âge de 91 ans.L’annonce a été faite sur Twitter par Jean Michel Frodon, critique cinéma, et Gilles Jacob, président du festival de Cannes. «Esprit curieux, cinéaste infatigable, poète amoureux des chats, vidéaste, personnage secret,immense talent, sommes orphelins de Chris Marker», a écrit le président du festival de Cannes sur le réseau social.
C’est sur les Jeux olympiques d’Helsinki qu’il réalise en 1952 son premier film (Olympia 1952), avec de modestes moyens, après avoir publié son premier roman, Le coeur net, en 1949, dont le personnage central est un aviateur.
Il était l’un des grands cinéastes de notre temps mais le plus secret aussi. On lui doit des chefs-d’œuvre témoins du temps, notamment, La Jetée en 1962, dont s’était inspiré Terry Gilliam pour L’Armée des douze singes, et qui aurait donné son nom à un bar, à Tokyo, dans le quartier de Shinjuku. Marker entretenait des relations très privilégiées avec ce pays, qui lui vouait un culte particulier.

Il a toujours préfèré laisser parler ses images plutôt que son image : moins d’une dizaine de photos de lui existent, ses interviews sont encore plus rares.Néanmois, il avait accordé un long entretien à Libération, en mars 2003, à l'occasion de la  sortie en DVD de ses films Sans soleil et La Jetée. Un numéro spécial lui avait été consacré, dans Libération, le 4 décembre 2004.


En 1953, il réalise avec Alain Resnais Les Statues meurent aussi, documentaire esthétique et politique. En 1962, Dans les rues de Paris, en 1963, il a co-réalisé avec Pierre Lhomme Joli Mai, un documentaire illustré par la voix d’Yves Montand – à qui il consacrera en 1974 un reportage intitulé La solitude du chanteur de fond – qui décrit Paris après les accords d’Evian.
En 1966, il raconte ses voyages dans 26 pays dans Si j’avais quatre dromadaires.
En 1967, il participe, avec Jean-Luc Godard, Agnès Varda et Joris Ivens, au film collectif Loin du Vietnam réalisé contre l’intervention des Etats-Unis en Asie du Sud-Est. Dans la foulée de mai 1968, Chris Marker s’engage dans une aventure collective et militante, le groupe Iskra avant de revenir à la création individuelle.
Il tire le bilan lucide des espoirs de la décennie dans Le Fond de l’air est rouge (1977), fresque historique suivie, en 1982, du magnifique Sans Soleil, errance poétique et politique qui mène le cinéaste de Guinée Bissau au Japon, d’Ile-de-France en Islande.
En 1986, il dédie Mémoires pour Simone, à son amie intime, Simone Signoret.
En 1997, il publie Immemory, un CD-Rom utilisant toutes les ressources du multimédia. Il diffuse sur Internet son dernier court-métrage, réalisé en 2007, Leila Attacks.
En 2011, Chris Marker, avait été la tête d’affiche des Rencontres d’Arles. La 42e édition avait présenté plus de 300 travaux, ainsi que sa dernière série réalisée dans le métro parisien, Passagers (2008-2010).
«Son œuvre a suivi et épousé la deuxième moitié du XXe siècle en se tenant à la bonne distance des événements historiques qui ont bousculé le monde: Cuba, le communisme soviétique et chinois, la guerre du Vietnam, Mai 68  en France, le Chili, les luttes ouvrières, les combats pour l'émancipation et l’indépendance», soulignent Serge Toubiana et Costa Gavras. (article de Libération du 30 07 2012 par D.PO).
 .
. 
Ressources sur Chris  Marker 

- Un bel hommage de Varda à Marker dans "Agnés de ci de là Varda" sur Arte

- Entretien du 5 mars 2003  à propos de la la sortie du dvd Sans soleil et La jetée  ICI

- Antoine de Baeque sur la sortie du dvd Le fond de l'air est rouge 

 - A propos de son dernier film Chats perchés 2004 et ICI

- "Image documentaire" n°15, 1993  (à télécharger en pdf (Plusieurs contributions).

- Un site très bien documenté et pourtant encore en construction : chris Marker-ch (sa page "liens" est exceptionelle).


 Des courts que Marker a mis en libre accès sur Youtube : 

sous son pseudo Kosinki  (on peut lire que la dernière activité de Kosinki sur Youtube date du 12 juin dernier).

en détail :
Pictures at an Exhibition (fragment de L'Ouvroir - le film)
Metrotopia
- Overnight
- Guillaume Movie
- Kino
- The Morning After
- Royal Polka
- Tempo risoluto
- Imagine
- iDead

 Quelques chatteries branchées sur le mouvement de l'histoire :
Mais je serai bien incapable de dire qui les a réalisées au fond
- Chats perchés 3




Sites sélectionnés par les bibliothécaires de Radio France :


http://www.chrismarker.org/
site officiel, en anglais

http://chrismarker.tumblr.com/
La Cinémathèque française invite tous ceux qui le désirent, amis, correspondants à l'étranger, curieux et cinéphiles, à envoyer messages ou témoignages, films, photographies ou collages, pour rendre compte de l'importance que l'œuvre et la personnalité de Chris Marker revêtaient pour eux. Ce tumblr leur est ouvert.

http://www.cineclubdecaen.com/realisat/marker/marker.htm
filmographie sur le site du ciné-club de Caen

http://www.arte.tv/fr/hommage-a-chris-marker/6845086.html
Hommage à Chris Marker réalisé par Arte-tv

http://simpleappareil.free.fr/lobservatoire/index.php?2008/12/18/58-staring-back-chris-marker
Staring back (Chris Marker) sur le site de la revue de cinéma « L’Observatoire »

http://simpleappareil.free.fr/lobservatoire/index.php?2008/12/17/59-a-propos-de-la-jetee-jean-louis-schefer
A propos de « La Jetée » (Jean-Louis Schefer) sur le site de la revue de cinéma « L’Observatoire »

http://www.derives.tv/Marker
Textes de Chris Marker publiés sur Dérives.tv

http://www.editionspapiers.fr/node/17
présentation du livre « Also known as Chris Marker » sur le site des Editions Papiers

* "Une nouvelle nouvelle donne démocratique".
Elle est l'affaire de tous individuellement et collectivement sans que le collectif ne bouffe l'individuel et réciproquement. C'est ce que nous tâchons avec nos très modestes moyens de mettre en œuvre dans cette "communauté provisoire" qui se forme après le film pour débattre. L'important n'est pas la compétence certaine de chacun à parler du film mais que chacun et chacune y soit présent. Le silence à autant d'importance que la parole. Il n'est pas passivité, au contraire il peut être plus actif que toute parole. Il faut avoir des oreilles pour l'entendre.


.