Ciné-concert "Une page Folle" Mercredi 21 Novembre à 19h30



"Une page folle"
de Teinosuke Kinugasa
 ciné-concert :
 
 Festival des 3 Continents au "Grand T"
  mercredi 21 Novembre à 19h30
 

Commentaires après le film 


L'étrangeté du film et sa gravité vont ensemble. D'une autre planète en même temps très proche. Le sentiment qui en émerge me fait penser à la notion  d"l'inquiétante étrangeté" de Freud. Quelque chose de fantomatique mais à la française. Pas le fantastique de Murnau (Nosferatu 1923)  ou celui de Dreyer (Vampyr 1932). Plutôt celui de "La chute de la maison Uscher" film de 1928  de Jean Epstein - avec  Bunuel comme assistant. Notamment par la thématique de l'eau.

Les plans du film sont d'une beauté époustouflante, quelquefois désuets dans leurs trucages mais souvent d'une incroyable "solidité". A l'inverse cette solidité est comme minée par les surimpressions, l’étagement de deux plans différents (avant-plan net de l'action du personnage et arrière plans où défilent les pensionnaires, comme deux temps différents, où on ne sait plus où est la réalité et le simulacre). L'opposition du fluide et du rigide, équivalente de l'ouvert et du fermé. Le père éploré ancien marin (encore le thème de l'eau) est un passe partout. Il joue avec les clefs et les perd. Entre et sort. Les barreaux s'écartent comme la vision dans une déformation. Les barreaux et la prison c'est aussi bien le cadre de l'image et celui de l’institution qui garde la folie. Comme René Girard dit de institution "qu'elle contient la violence" c'est à dire qu'elle le limite tout autant qu'elle la génère. Ici c'est le délire qui est contenu. On ne sait plus très bien s'il y a un bon ou un mauvais côté des barreaux.

Je trouve après-coup sur Internet ce commentaire sur le film  : " Le film ressemble moins à ce que faisait Eisenstein ou autres Fritz Lang qu’au cinéma de Germaine Dulac, sans que je sache dans quelle mesure le cinéaste avait un accès à ces films. Le film regorge de surimpressions, de mouvements panoramiques très rapides, d’images anamorphosées, de décadrages obliques, de jeux sur l’ombre mais pas d’inversion négatif/positif comme a pu le faire Murnau."

    
Eisenstein "Ivan le terrible "
La référence au théâtre traditionnel, le kabuki, avec les masques dans Une page folle m'a intéressé. Tandis qu'on retrouve ce clin d'oeil au Kabuki chez Eisenstein que ce théâtre intrigue dans "Ivan le terrible", - le même masque que Leos Carax reprend en référence à Eisenstein dans "Holly motors". Carax assemble d'autres clin d'oeil autour d'Edith Scob, actrice de théâtre qui joue le rôle principal dans "Les yeux sans visage" de Georges Franju. Franju qui élève l'insolite au niveau du concept, réalise par ailleurs La tête contre les murs"dont Jean-luc Godard dira  : « La tête contre les murs est un film de fou sur les fous. C'est donc un film d'une beauté folle. » Nous voilà sur le même terrain que "Une page folle" sous le signe du surréalisme sans doute. Pour la petite histoire du cinéma, 28 ans après Une page folle Teinosuke Kinugasa a été récompensé pour La porte de L'enfer palme d'or au festival ed Cannes  dont Cocteau était cette année là le président. Il a eu aussi le léopard d'or à Locarno. Ce réalisateur est totalement méconnu. Contrairement à Kurosawa et les autres cinéaste japonais. Cocteau a été frappé de la beauté des images et notamment des couleurs du film.

Ce rapport entre avant-garde, innovation esthétique et redécouverte de la tradition sans conformisme, on le retrouve aussi chez Akira Kurosawa dans" Dodescaden" par exemple - et "Dreams of Akira Kurosawa" que Michèle nous avait déjà fait découvrir ( l'enfant caché derrière les arbres observe des renards passer, qui sont des esprits, ou bien des fantômes avec la lenteur du Kabuki et des personnages en costumes traditionnels colorés).  

Commentaire intégral emprunté au blog Asie-vision : 
Pendant des années, on a cru le film perdu jusqu’à ce que Teinosuke Kinugasa retrouve une copie chez lui au début des années 1970. Une page folle est donc sorti dans de nombreux pays, dont la France le 5 mars 1975, accompagné d’une musique contemporaine et expérimentale. Une page folle a été produit par une compagnie japonaise en 1926 qui s’appelait la « Fédération du film néo-sensationniste ». Tout un programme. 

Les dix premières minutes sont un flot d’images sans sens réel. On y voit une femme danser sans coordination, comme si elle suivait une mélopée. Des plans d’eau surgissent de son visage, un bébé apparait, puis le visage en gros plan d’un vieil homme en uniforme. On touche l’abstraction expérimentale. On se demande qui sont toutes ces femmes. Sommes-nous dans un bordel ? Non, dans un hôpital psychiatrique. Le vieil homme a un rapport avec la femme. Des infirmières font leu entrée dans le champ, puis un médecin à lunettes. Le reste du film sera plus linéaire. 

Une page folle décrit l’univers de la folie. Il se place à l’intérieur d’un asile. Les malades sont enfermés dans des cellules et la caméra se place toujours devant les barreaux. Les malades sont donc enfermés tels des prisonniers. Les décors sont nus, froids, les couloirs sont longs et nous ne sortiront jamais de cet asile, à l’exception d’une scène de danse fantasmée lorsque le vieil homme commence lui aussi à sombrer dans la folie. Il cherche à comprendre la folie de sa femme et pourquoi elle a noyé leur fils. 

Le film cherche également à entrer dans le cerveau de la femme. Pour cela, Kinugasa pratique un cinéma expérimental très en vogue dans ces années 1920. Le film ressemble moins à ce que faisait Eisenstein ou autres Fritz Lang qu’au cinéma de Germaine Dulac, sans que je sache dans quelle mesure le cinéaste avait un accès à ces films. Le film regorge de surimpressions, de mouvements panoramiques très rapides, d’images anamorphosées, de décadrages obliques, de jeux sur l’ombre mais pas d’inversion négatif/positif comme a pu le faire Murnau. J’imagine donc que le cinéma allemand n’était peut-être pas encore arrivé jusqu’au Japon en 1926. 

Teinosuke Kinugasa joue surtout sur les visages de ses interprètes, notamment ceux qui interprètent les aliénés. Ils sont habillés de blanc et grimacent, font des yeux exorbités qui pourraient sortir des orbites à tout moment. Une rébellion éclate parmi les malades et c’est tout un ballet qui s’anime pour finir avec des masques mortuaires japonais. Mais sans doute tout cela n’était que le rêve du vieil homme que l’on retrouve en fin de film balayant les couloirs tandis que ceux qui venaient de l’attaquer le saluent. 


Et l'historique du film par Florence Tissot Chargée de mission aux enrichissements à la Cinémathèque française
Hiroko Govaers s’est éteinte le 13 mai 2008, après avoir pendant plus de 30 ans introduit, programmé, traduit, sous-titré et présenté le cinéma japonais en Europe dans les festivals, archives et autres salles. Je l’avais rencontrée quelque temps plus tôt pour éditer Une page folle (Kurutta Ippeiji) de Tenosuke Kinugasa, un projet qui, par manque de temps, n’a pas vu le jour.

Une page folle est un film d’avant-garde japonais sur la folie, qui ressemble à un ovni et qui, pour des questions de matériel et de droits, a une drôle d’histoire. Réalisé en 1927, perdu alors que le cinéma sonore s’impose, puis oublié jusqu’à ce que le réalisateur retrouve une copie quarante ans plus tard, il est projeté à nouveau en Europe après sa réédition en 1972, et n’existe aujourd’hui en France que sur quelques copies 16mm trop fatiguées pour circuler. Je vois ce film pour la première fois à Londres en 2003 et suis alors fascinée par les images et l’accompagnement musical du Jazz band de Tim Brown, musicien et programmateur chez City Screen. De retour à Paris deux ans plus tard, j’écris à Hiroko Govaers dont le contact m’avait été donné par le British Film Institute et lui propose d’éditer ce film dans le catalogue de Re-voir.

Un an plus tard, la veille de Noël 2007, je suis avec l’éditeur Pip Chodorov à Rosny-sous-Bois, dans son appartement rempli d’affiches japonaises et de photos aux murs. Nous en profitons pour nous projeter les films de Shuji Teyramaya stockés en haut d’une étagère, que par la suite je rêvais d’éditer. Hiroko avait été une proche de ce poète, dramaturge et cinéaste underground et avait aidé à la diffusion de ses films. Nous signons un contrat de distribution d’Une page folle pour 5 ans me donnant accès à l’internégatif. La copie d’époque, qui serait à l’origine de la réédition sonorisée des années 1970, semble avoir disparu mais du matériel de tirage est conservé en Europe.

Puis, les mois suivants, les devis en poche et malgré mes appels, je reste sans nouvelle d’Hiroko. Au moment même où je prenais conscience de son parcours, du nombre de copies protégées dans les cinémathèques par ses soins au fil des décennies et de sa carrière de si grande passeuse du cinéma japonais, j’apprends son décès à l’hôpital. L’internégatif conservé sous son nom depuis 1973 est alors immédiatement bloqué sauf accord du vrai ayant-droit japonais.

Avec la disparition d’Hiroko, c’est toute une époque qui bascule dans le passé : celle où les réseaux pour le cinéma japonais étaient si peu développés que pour y accéder, il fallait nécessairement passer par elle. Une époque d’accords de confiance et d’échanges de bons procédés peu ou pas cadrés juridiquement. Ainsi, ses rapports avec Madame Kawakita, sa deuxième mentor après Henri Langlois. Cette femme était entre autres productrice et distributrice de films indépendants japonais, travaillant dans l’import de cinéma européen au Japon et à la promotion du cinéma japonais à l’étranger des années 1960 à 1980. Hiroko Govaers en était la correspondante à Paris, et sous sa protection, a en partie vécu du fait qu'elle avait ou prétendait avoir les droits de films japonais pour le territoire français.

Cette tentative de donner plus de visibilité à Une page folle s’est traduite par une leçon de cinéma sur l’évolution des pratiques en matière de droits d’auteur et par une rencontre trop tardive mais très belle avec une grande dame.

Un trésor japonais
Pour la deuxième année consécutive, le Festival des 3 Continents propose une soirée inédite au Grand T autour du cinéma asiatique : un moment d’une authentique rareté pour les cinéphiles autant que les curieux.

Une page folle est un des trésors les plus précieux du cinéma japonais muet, réalisé par Teinosuke Kinugasa en 1926 et co-écrit par Yasunari Kawabata, Prix Nobel de littérature.

Réalisateur émérite et prolifique, Teinosuke Kinugasa, Palme d’or à Cannes en 1954, a dirigé plus d’une centaine d’œuvres.

Une page folle est une odyssée onirique et surréaliste naviguant sur les rives de la folie. Elle raconte l’histoire tragique d’un homme cherchant à libérer sa femme enfermée dans un hôpital psychiatrique après avoir noyé leur enfant.

Pour ce ciné-concert, le Festival des 3 Continents a passé commande d’une partition originale à Vadim Sher, musicien et compositeur estonien talentueux, vivant en France depuis 1993.

Rendez-vous :  
Le Grand T  84, rue du Général Buat à Nantes
Mercredi 21 novembre à 19H40 pour la distribution des billets et prendre les bonnes places.

Tarif : 
4€ pour les usager(e)s des séances de La Sagesse de l'image                                                                                     
2€ pour tous les minima sociaux (inscription par La Sagesse de l'image).                                                                                                                                           
 (9 € pour les autres personnes hors abonnement Grand T. Inscription au Grand T ou sur leur site)

Inscription : 
jusqu'au 9 novembre  par envoi d'un email  à La Sagesse de l'image ou tel : 02 51 13 67 15
(le nombre d'inscrit(e)s La sagesse de l'image est limité - même si nous avons de la marge pour l'instant. Les minima sociaux sont prioritaires).

Règlement  
Par chèque : à l'ordre de Association La Sagesse de l'image adresse 1 rue des soupirs C3 - 44300 Nantes                                                                 
En liquide dernier délai : à la séance du 7 novembre 19H30 à la Maison de quartier Bottière