Mercredi-19 juin à 19h 30- Maison de quartier Botttière:-"Mirage-de-la-vie"






Mirage de la vie 
(imitation of life)

Réalisé par Douglas Sirk 1959 (2h)

Avec Lana Turner, John Gavin, Sandra Dee

Genre mélodrame


Critique presse : "Mirage de la vie" (imitation of life) n'est pas seulement le plus beau titre de l'histoire du cinéma, il est aussi un chef-d'oeuvre absolu (P. Merigeau)

Résumé
Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente.

Douglas Sirk se retire au sommet de sa carrière avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. Le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'une des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre) mais aussi bien de tous ceux qui ont renouveler le cinéma en posant des questions aussi bien existentielles que de société  comme celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier).

Débat :  Le mélodrame et critique sociale : Produire de l'émotion, tirer des larmes empêche til la réflexion ?


(Douglas Sirk le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'un des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre), mais aussi bien celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier. )



COMMENTAIRES avant et après la séance


Michèle
Prem's Je viendrai avec un drap, faut bien ça comme mouchoir !!!

Martine
J'pleure pas facilement ; un coin du drap me suffira.

Michèle
Et si je pèle des oignons à côté de toi ???

Alain
 Le gospel de Mahalia Jackson devrait suppléer aux oignons

Michèle
C'est pas faux. Remarque le fado c'est tire-larmes aussi

Alain
Larmes qui se noient en effet dans le Tage. (Amalia Rodrigues joue dans les amants du Tage).

Martine
On voit que les hommes n'aiment pas pleurer, il n'y en a pas beaucoup pour le moment. Un peu de mélo, j'aime bien. A mercredi.

Alain
Ils pleurent mais ne le disent pas

Michèle
Boys don't cry ....
Certaines femmes n'aiment pas voir un homme pleurer et on apprend aux garçons de ne pas pleurer, ils se cachent... Mais le cliché des filles aux larmes faciles, pas d'accord !!! Hein, Martine !

Martine
C'est beau un homme qui pleure

Michèle
Moi, ça me fait chialer de voir un homme pleurer
Sans rire, je trouve ça émouvant et puis normal, tout simplement...

François
Pleureur éminent et éminemment romantique .je sollicite l'autorisation de participer à cette projection....

Michèle
Inscris-toi Tu découvriras ces séances qui sont toujours suivies d'échanges très intéressants et ce sont toujours de très bons films.

Alain
Je dirai même mieux...très intéressants les débats et les films sont toujours très très bons
En commentant avec les enfants des écoles le film " L'histoire sans fin" j'ai compris que derrière une larme coule une autre larme. Et que si une larme est vraie elle aussi de fiction- et versa. Ce sont nos histoires qui nous font pleurer. En effet Bastien pleure parce qu'il lit dans le grenier où il s'est réfugié, l'histoire d''Atreyou qui vient de perdre son beau cheval blanc dans les "marais de la mélancolie" (plus on est mélancolique plus on s'y enfonce).
On passe du gros plan des larmes d'Atreyou au gros plan en contre plongée aux larme de Bastien éplorée sur les pages du livre grand ouvert sur ses genoux - du coup les larmes paraissent dérisoires aux enfants comme un mauvais mélo et qui les font rire. Tandis que leurs professeurs la plupart du temps quand je passait l'extrait leur commandaient de ne pas rire. Pourtant c'est le tour de force de Wolfgang Petersen : il faut prendre la séquences dans les deux registres ; il y a une intention comique de la part du réalisateur autant que dramatique, puisque Bastien dans le film a perdu lui non pas son cheval mais sa mère. Et que la perte du cheval de fiction le renvoie à celle de sa maman. Un premier et un deuxième degré simultanés : c'est ça la larme au cinéma. Cette séquence est l'une des plus belles mises en abîme du cinéma.

Elise
Tout à fait... L'émotion ressentie vient du fait que l'on s'identifie au personnage et plus l' histoire nous est proche et bien retransmise, plus l'émotion sera grande... Mais, dis-moi, à quand "L'histoire sans fin" à la Bottière ? Ton commentaire donne envie, en tous cas... Je terminerais en confirmant la grande richesse des débats et la qualité des films... si, si, si...

Philippe
Je ne connais pas du tout la filmographie de "Douglas Sirk"
Un mélo pourquoi pas ?
il faut que je prévois un mouchoir, ça tombe bien car je suis enrhumé en ce moment

Alain
Je serai enrhumé moi aussi mercredi , mais on aura le temps du générique de fin pour sécher nos larmes et renifler. Philippe derrière son rhume pourra aussi rire quand on pleurera, il a aura le droit ! Ne pas se retenir. "de la sciure, du rire et des larmes" (carton qui introduit "Le cirque" de Chaplin).

Michèle
Quel beau concert en perspective !

Elise
Euh, c'est un concert ce soir... ou une séance ciné...? Je ne sais plus...

Alain

Les deux mon capitaine et plus avec affinités

Stephane
Merci Alain (et Mélina ). film intéressant qui aura eu le mérite de susciter des débats

Martine
Trop de débat, tue le débat; par où commencer? Toujours en tête , ce matin, les siècles d'oppression de la ségrégation raciale, exprimés, scandés, à travers la voix sublime de Mahalia jackson, accompagnant ce magnifique enterrement d'Annie, seul moment de sa vie où elle ne se cache plus "pour ne pas gêner, les blancs" ; elle existe à travers sa mort.
Finalement je m'arrête là et j'écoute encore encore cette voix sublime.
Au fait, j'ai aimé ce film.

Michèle
Quel calme après la discussion endiablée de hier soir !
Le loup doit ronfler dans sa tanière ou soliloquer face à l'écran noir...
à moins qu'il ne se régale de quelques canards de l'Erdre nourris à la brioche industrielle et à la pâte de chocolat à l'huile de palme... Y'a plus de respect pour rien ma pôv'dame !
Purée, Annie quel personnage !!!! diablesse et sainte à la fois !!!!
Elle a mis du temps à mourir , elle a eu le temps de dire qu'elle achetait sur terre sa future place du bon côté de Dieu. Je suis loin d'être convaincue que quelqu'un est réellement bon quand c'est pour son salut personnel ! Des gens comme ça, ça ne m'émeut pas du tout, au contraire...

Martine
Michèle  ! comment être bon, quand la vie terrestre est un enfer social, affectif, intellectuel et matériel ? Quid ? rencontrer des personnes qui font rêver comme Susie, Lora et ... Ken.

Elise
Moi je n'ai pas été suffisamment émue...A mon goût... J'ai trouvé le film un peu long... et le seul moment qui m'a prit aux tripes c'est le désarroi de la fille sur le cercueil de sa mère : là, ça m'a vraiment touchée... Parce qu'au fond, les parents on les aiment... et c'est important de ne pas couper les ponts totalement... Même si parfois c'est nécessaire pour se protéger...Enfin...je m'égare...
Pour ce qui est de la forme, j'ai bien aimé toutes ces couleurs vivent, notamment la tenues des femmes : ça mettait de la gaîté dans une histoire plutôt triste...
Et le débat ensuite... Quel débat ! Les deux mères de famille ont la même situation financière au début : elles sont fauchées... L'une fait le choix de rester à la maison pour s'occuper des deux fillettes, et l'autre va vivre sa passion... L'une est à l'écoute (des fillettes, de sa colocataire...), l'autre pas... et c'est là que le bas blesse : alors, si amitié il y a, je pense qu'elle n'est forcément qu'à sens unique...

Martine
Et v'lan ça r'commence. Vite un CD de Miss Jackson.

Françoise
Belle rencontre de deux femmes dans le désarroi, fauchées l'une comme l'autre, l'une a un toit qu'elle partage, l'autre propose son aide en échange...Belle complicité, confiance totale.
L'une travaille à s'en étourdir avec beaucoup de courage pour l'époque à en oublier sa propre fille, l'autre est là pour compenser. Jolie complicité entre Annie et Susie.
Les rapports évoluent parallèlement à la réussite professionnelle de Lora, tout comme les endroits où elles vivent. Plus la demeure est luxueuse, plus Annie et Lora travaillent à leur manière, solidaires et complémentaires.
Aucun mépris, aucune haine, aucune querelle entre Lora et Annie. On est loin de la ségrégation et de la discrimination raciales qui sévissent à cette époque, voir" la couleur des sentiments" au Mississipi à la même époque si ce n'est pas déjà fait pour avoir une idée précise jusqu'où cela pouvait aller...
Terrible problème d'acceptation de Sarah Jane et prise de conscience tardive et très touchante demande de pardon
L'une est blanche et l'autre noire, et alors???

Michèle
Belle rencontre entre deux femmes qui se trouvent à point nommé quand elles ont besoin d'aide, l'une et l'autre. Mais, pour rester plus qu'une nuit Annie est habile; elle sait se rendre utile et joue savamment avec le désarroi de Lora et son envie de réussir. Quand elle répond au téléphone le 1er soir en est l'illustration. Faisant ainsi, elle flatte le désir de réussir et paraître de Lora en faisant croire qu'elle a une gouvernante. Mais c'est de bonne guerre, Annie doit trouver un toit. Elle est sans toit car elle est partie de là où elle vivait avant à cause de Sarah Jane qui était rejetée car sa mère est noire...
Nous avons parlé de différence de couleur hier soir mais cela va au-delà. Il s'agit, selon moi, d'un point de vue humain, de classe sociale aussi. J'ai souvenir d'une femme écrivain réputée ( dont j'ai oublié le nom) qui a hébergé une femme sans toit chez elle. La SDF a voulu être sa secrétaire; ben non.. Elle est devenue ce qu'elle devait être, sans passer par la case " service" parce qu'on lui donnait un toit. Pour moi, c'est un bel exemple de solidarité, de complicité, de partage et d'amitié. L'écrivain a écrit un bouquin et les droits de vente ont été partagés en 2.
Mais je suis hors sujet, hors du film. ceci dit notre débat a tourné autour de ce qu'est l'amitié. Nous en avons tous une idée et une vision différente; tant mieux !

Michèle
Pour en revenir aux propos de Elise; Alain a évoqué brièvement l'importance des couleurs pour Douglas Sirk pendant sa présentation du film. Un détail dont je me souviens : la robe et le gilet assorti de Sarah Jane sont jaunes quand elle va voir son copain qui lui tape dessus car il a découvert qu'elle n'est pas blanche. Le jaune évoque l'importance des apparences pour Douglas Sirk...
Si on inversait les rôles ? C'est peut-être ça aussi qu'a voulu nous dire le réalisateur ? Je suis étonnée qu'un mélo d'apparence ringard nous ait donné l'occasion d'échanges passionnés. Cela prouve qu'il n'est pas ringard quant aux sujets.
Oui, Elise, il faut savoir se dire ne pas être enfant de ses parents pour exister.
Qui sait en me voyant que j'ai des ancêtres africains ?

Elise
Eh oui... Un débat passionné et passionnant...

Françoise
Et oui Michèle l'amitié est une valeur sûre et je ne vois évidemment pas de manipulation ni autres intérêts bassement matériels dans ce mélola
Le ciel et la terre sont en elles, que veux tu...on ne me refera pas

Martine
Plus j'avance en réflexion et me rapproche des idées de Michèle dans le domaine de la relation d'amitié.  Annie aurait pu aussi s'émanciper, au rythme de l'évolution sociale & professionnelle de Lora, c'était le + juste, MAIS la dictature ségrégationniste l'a emporté. Une amitié ne se vit que dans la liberté, en effet ; se vouloir dans la même matrice, n'est que fusion mortifère. Là, je rejoins Michèle, Annie s'est coulée dans ce moule, pour la sécurité de sa fille et ... la sienne. Pouvait-elle y échapper dans un tel contexte social ? du moins PAS au début de leur rencontre où elles se complétaient comme le décrit Doudou 44. L'amitié n'est acquise que dans la liberté et la juste place de chacun ça prend un sacré bout de temps. Les couleurs me reviennent : bleu, jaune, rouge. très flashy.


Alain
les échanges ont été les plus accrochés que d'habitude : j'ai bien aimé.
Si le film nous laisse dans des dispositions aussi différentes on peut être sûr qu'il a une épaisseur.Je mouline depuis hier sur ce qu'est un couple. Sur la parité qui ne serait pas l'égalité (un couple au sens large : d'amis, d'amants, de compagnons). La parité c'est aussi des personnages dans le récit ils fonctionnent par paire. Selon des lignes infinitaires, où les personnages se correspondent ou bien s'appellent, se dynamisent :  Par exemple la bonté de Lora Meredith la blanche correspond et appelle celle d'Annie Jackson la noire. La crise de Suzy la Barbie blanche résonne avec celle de La jeune femme noire. La prise distance de Suzy - L'indépendance de Lora correspond à la distance que sa fille prendra vis à vis d'elle, pour sortir de son rôle de petite, et l’appelle. Et tout est construit comme ça.

Je crois que ce qui pourrait caractériser au fond ces parité c'est ce qui peut se passe entre grand-parent et petits enfants quand la sauce prend entre deux individus d'âge différents, comme des affinités électives qui sautent les générations. Ce que montre Sirk c'est ça : c'est que à des lignées brisées, ou des destin sans ligne, il est possible de leur substituer d'autres lignées. Il y a de la réparation. Et c'est me semble-t-il l'essence du mélodrame. Le lien brisé est là pour un autre lien possible sur la ligne de fracture.

On ne sort pas du cercle (de sa destinée, de sa condition, du système) dit Sirk ; pourtant il dit aussi le contraire : A l'intérieur du cercle, par des élans de résistance, l'aspiration au bonheur, l'accomplissement de ses dons, par le respect de soi, et l'attention à l'autre, on en sort aussi. Même si le cercle nous rattrape, il est ouvert. Ce que n'aime pas Douglas Sirk dans le Happy-end auquel Hollywood l'oblige c'est qu'il sert la politique de l'autruche. Il ne sert pas a montrer  la fermeture du cercle ni son ouverture. Quoiqu'il reconnaisse l’optimisme culturel des américains il en propose une autre vision où la lumière fait son chemin à partir des ombres personnelles et des contraintes sociales sans les gommer.

Je me suis  interrogé sur le fait que Sirk replace un serviteur noir parmi les "domestiques" de Lora Méredith. Ce n'est pas gratuit, il a voulu peindre la société américaine là où elle en était sans moralisme. Je n'aurai pas été en désaccord avec les réactions d'hier concernant les aspects stéréotypés du film, si justement elles avaient été dénuées de moralisme. Elles manquaient à mon avis le tableau que Sirk justement a brossé dans le sens contraire.

Le Kent de Barbie : Que John Gavin ( Steve Archer le photographe) paraisse lisse et fade ou toujours souriant c'est tout à fait normal : il est fabriqué comme ça. D'autre part dans le film son personnage s'efface devant les 4 femmes qui fonctionnent comme 4 couples : filles-mères blanches et filles-mère noire, les deux filles et les deux mères.

L'oeil qui pleure et (est) celui qui regarde. Ce qui m'intéresse dans ce film c'est les changements de point de vue. La conduite incroyable de son récit. La construction des personnages pour lesquels nous pouvons avoir de l'empathie (c'est le ressort du mélodrame), mais dans lesquels nous ne pouvons pas nous projeter complètement car ils apparaissent avec leur fond obscur, leur contradiction, leur clivage. Et dans le fond leur blessure. Celle de Annie de sa fille Sarah-Jane, de Suzie et dans une moindre mesure de Lora sa comédienne de mère. Leur souffrance nous la ressentons à travers les yeux d'un autre personnage. Il y a une grande exception : Sarah-Jane battue sauvagement par son boyfriend. Mais le summum est atteint dans le cri déchirant de Sarah-Jane sur le cercueil de sa mère. Ce cri n'existe qu'au travers de tous les témoins. Je trouve le commandement que Lora lui intime de se reprendre totalement absurde, et je crois que Sirk l'a fait volontairement pour qu'il apparaisse en tant tel correspondant à son personnage de mise à distance. Alors que toute la scène est le contraire de la mise à distance, depuis notre entrée dans l'Eglise depuis le vitrail accompagnée d'une Mahalia Jackson pour le coup brute de décoffrage en contre plongée. Je regrette infiniment la désynchronisation dû au lecteur de dvd à ce moment là qui m'a empêché de goûter pleinement ce moment. ce gospel qui est presque un cri aboutit - et toute la séquence à ce cri de Sarah-Jane. A leur "ob-scénité" pourtant mis en scène. A faire sourdre une vérité émotionnelle du personnage à travers le regard de la caméra et le regard des autres. Le fameux plan où l'on voit la sortie du corbillard depuis le magasin d'antiquité contribue à créer un système de renvoi. Il ne s'agit pas d'une simple mise à distance mais de la création d'un regard. Les films ou bien les séquences mélodramatiques  montrent l'émotion humaine et  les larmes à travers le regard que le personnage porte sur les choses nous éprouvons ce qu'il ressent, mais aussi nous ressentons la souffrance qu'un autre personnage peut ressentir pour lui. Le thème de la fenêtre et du miroir sont chers à Sirk. La peine est sincère pourtant elle a besoin de l'autre. Et le cinéma est tout à fait apte à construire cet autre. De la sorte l'émotion est partagée. Dans une fiction on fait semblant, on fait comme si cet autre n'existait pas. Sirk au contraire tout restant dans la fiction, dans son imitation ("of life"), fait du regard nécessaire de cet autre une incarnation : soit un personnage, soit un élément du décor, comme le miroir la fenêtre ou bien un objet qui prendra une valeur symbolique au premier plan, pour montrer toute la profondeur de champ dans lequel va se dépolyer le personnage et pour dire quelquechose de ses sentiments. Par exemple nous sommes témoins du clivage et de las ouffrance de sarh-Jane dés la deuxième séquence avec la Barbie noire au travers des yeux de la petite Suzie puis de Annie sa mère, enfin de Lora au final. D’ailleurs je trouve intéressant que dans la chaîne que les quatre femmes formes, Lora ne soit finalement qu'un point de départ ou d'aboutissement mais pas réellement le cœur de leur rapport.

Martine
j'aime bien ton commentaire sur les regards croisés, des uns sur les autres.
J'avais noté un truc sur l'amitié, où je rejoignais le point de vue - exigeant - de Michèle, en la matière. Pfuit !!! il est parti. Son point de vue s'est clarifié par écrit, à côté de la passion du débat à la Bottière.
La blessure d'Annie est celle de sa fille Satah-Jane, mais elle est aussi sociale et politique de par le poids de la ségrégation raciale de l'époque aux USA. Blessure intemporelle et universelle de tout homme opprimé, et dominé. (Annie serait pour moi, la part d'ombre de Lora)

Alain
Intéressante la dernière phrase : que Annie serait la part d'ombre de Lora.
Abandon et indifférence se déplacent d'un couple de personnages à l'autre. 4 paires pourrait-on dire, ce n'est pas un film sur l'amitié ou l'amour mais sur ce qui fait l'amour et l'amitié  :  la parité. Sur le côte à côte. Qui est trompé, trahi,i reste indéfectible avec le temps. Un autre exemple de relation paritaire c'est cette affinité élective qui lie certains grands-parents à l'un de leur petits-enfants. Pourquoi la sauce prend on ne saurait le dire et il n'est pas important que soit l'un des membre de la paire qui en soit à l'origine (ici Annie dans la paire qu'elle forme avec Lora). Cette parité, n’est pas de l'égalité, car personne n'est égal à personne. C'est une reconnaissance mutuelle dans laquelle chacun se sent exister pour ce qu'il-elle est. C'est ce qui devrait fonder n'importe quelle cellule familiale ou autre groupe. Quand il n'y pas parité dans le couple il y a rapport de force et révolte puis séparation ou fugue, réaction. Dans la relation il faut qu'il y ait appariement.  Et celui-ci inclus la part d'ombre.

Je trouve la critique de Sirk subtile. Il aime ses 4 personnages féminins jusque dans leur défauts, leur identification à leur valeur d'origine contre lesquelles ces femmes luttent, ouvrant un espace de jeu dans l'oppression sociale et ses rapports de force toujours prêt de se refermer.
Le fait d'avoir revu une fois de plus ce film que je connais depuis 20 ans, me permet de mieux comprendre comment Sirk épouse ses personnages avec leurs travers sans s'identifier à elles, en gardant la même proximité et la même distance de gentleman que celle qu'il avait avec ses actrices et acteurs. Une noblesse qui va chercher le plus sombre de la culture américaine. Qui s'oppose à l'optimisme béat américain : à son déni du fait que cette culture se fonde sur deux génocides. Une culture américaine paradoxale aimable et meurtrière;  à la fois extraordinairement individualiste et communautaire voire solidaire - c'est le paradoxe - qu'il me semble que Sirk retourne comme un gant dans le clivage des personnages.

La subtilité pour moi consiste par exemple dans le fait que l’absence de Lora pour les autres personnages avec qui elle forme autant de paire est montrée comme la conséquence de son indépendance et de sa réussite, ce que les autres personnages lui reprochent : Steve d'abord puis sa fille enfin Annie. Mais tout à la fois elle est montrée comme une indifférence au final jusqu'au déni. La subtilité c'est que le premier à l'exprimer, avant que cela ne vienne, est aussi celui qui s'oppose à son épanouissement, et que celle qui au contraire est présente constamment aux autres, Annie n'en est pas payées de récompense en retour. Raison pour laquelle elle s’octroie au final une magnifique revanche avec son enterrement.
Le paradoxe est que celle qui fait presque du développement personnel avec son monde, avec sa fille avec la fille métis  en perdition de sa servante, se trouve simultanément dans la même scène en position de quasi d'irrespect. Ou le contraire plutôt.

je trouve aussi forte la séquence d'anthologie du film où Annie retrouve sa fille dans la chambre du motel après le shows de music-hall, que celle où Suzy  reproche à sa mère son absence, Suzy prend de l'ascendant sur sa mère Sirk l'exprime avec  une plongée ou Suzy est debout et domine  sa mère en position basse. Tandis que dans le plan suivant on la reprend en contre-plongée quand Suzy s'effondre aux pieds de sa mère s'excusant de l'avoir blessée.

ou bien la séquence où Lora remonte les bretelles à Sarah-jane quand celle-ci fait sa petite satire excellente de l'esclavage "bouana" banania. Elle office dans sa position de maîtresse, et Suzy en fait l'imitation (of life). Mais Lora en comprend l'origine et retourne le cadeau à l'envoyeur sa vérité avec. Mais en oublie la vanité de son mode de vie à elle où apparaît en relief la différence de classe que pourtant Sarah-Jane met en lumière. Deux vérités et deux faux-semblants. Ou bien on peut dire que la vérité provient du faux-semblant dans la mise en scène de Sirk et qui correspond au titre : imitation of  life.

A travers le jeu et la position sociale, le jeux des images et des apparences. Qui nous montre quoi ? Que les stéréotype effectivement ne sont pas innocent mais porteur d'une charge sociale qui vient de loin et font la culture, mais qui nous permettent aussi de vivre et dont on peut  faire jouer la contrainte. Contrairement à certaine réaction, au début du débat, je ne crois que l'on s'affranchisse des images sociales,  et je nous crois plus à l'aise à les faire jouer à ne pas s'en débarrasser, les nier, alors la contrainte dont elles sont porteuse  peut nous rattraper. Les stéréotype sont des masques, ils nous habillent, ils nous permettent d'avancer, ils nous structurent aussi. Ils permettent aussi de respecter nos fragilités dés lors que nous entrons dans un faux semblants qui n'est pas contradictoire avec notre vérité profonde. Je crois même qu'en battant en brèche tout stéréotype du même coup on ne respecte notre fragilité notre intimité. Là où sous l'apparence c'est vivant.


Michèle
Je vous trouve injuste envers Steve. Je ne le trouve pas si inconsistant. Certes, il a tenté d'imposer sa vision figée du couple en exigeant que Lora renonce à son désir de carrière; mais il l'a toujours suivie. Il l'accompagne fidèlement, il l'aide à sa façon. Il en ressort un inversement des rôles, il est féminin dans le sens de la vision conventionnelle du couple : celui qui attend, qui garde le foyer etc. pendant que l'autre vit pleinement son rôle social. Il est masculin dans le sens où il permet à Suzie de se révéler femme, avec du désir, l'envie de séduire... Il la conforte dans cette féminité. Elle n'est pas satisfaisante, bien entendu, puisque incomplète. Mais bon, faut pas trop lui en demander au bonhomme quand même !!! Il est encore dans les schémas de l'époque; l'émancipation féminine est loin d'être aboutie ! L'est-elle aujourd'hui ?


Commentaire ("Le monde")
Mirage de la vie est le dernier film de Douglas Sirk. Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente  Douglas Sirk se retire donc avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. La photographie montre une superbe utilisation de la couleur. Pris au premier degré, le fond du propos est passablement conservateur : ce que Sirk appelle un mauvais simulacre de vie (an imitation of life) est à la fois la vie de cette actrice qui préfère sa carrière à un mariage un peu terne et celle de la jeune fille qui refuse (certes maladroitement) les schémas classiques associés à la couleur de peau de sa mère. Malgré les mauvaises critiques qui soulignèrent le côté mélo, le film fut un énorme succès et la carrière de Douglas Sirk put ainsi se terminer avec un certain panache.