(imitation of life)
Réalisé par Douglas Sirk 1959 (2h)
Avec Lana Turner, John Gavin, Sandra Dee
Genre mélodrame
Critique presse : "Mirage de la vie" (imitation of life) n'est pas seulement le plus beau titre de l'histoire du cinéma, il est aussi un chef-d'oeuvre absolu (P. Merigeau)
Résumé
Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente.
Douglas Sirk se retire au sommet de sa carrière avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. Le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'une des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre) mais aussi bien de tous ceux qui ont renouveler le cinéma en posant des questions aussi bien existentielles que de société comme celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier).
Débat : Le mélodrame et critique sociale : Produire de l'émotion, tirer des larmes empêche til la réflexion ?
(Douglas Sirk le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'un des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre), mais aussi bien celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier. )
COMMENTAIRES avant et après la séance
Le gospel de Mahalia Jackson devrait suppléer aux oignons
Alain
L'oeil qui pleure et (est) celui qui regarde. Ce qui m'intéresse dans ce film c'est les changements de
point de vue. La conduite incroyable de son récit. La construction des
personnages pour lesquels nous pouvons avoir de l'empathie (c'est le ressort du
mélodrame), mais dans lesquels nous ne pouvons pas nous projeter complètement
car ils apparaissent avec leur fond obscur, leur contradiction, leur clivage.
Et dans le fond leur blessure. Celle de Annie de sa fille Sarah-Jane, de Suzie
et dans une moindre mesure de Lora sa comédienne de mère. Leur souffrance nous
la ressentons à travers les yeux d'un autre personnage. Il y a une grande
exception : Sarah-Jane battue sauvagement par son boyfriend. Mais le summum est
atteint dans le cri déchirant de Sarah-Jane sur le cercueil de sa mère. Ce cri
n'existe qu'au travers de tous les témoins. Je trouve le commandement que Lora
lui intime de se reprendre totalement absurde, et je crois que Sirk l'a fait
volontairement pour qu'il apparaisse en tant tel correspondant à son personnage
de mise à distance. Alors que toute la scène est le contraire de la mise à
distance, depuis notre entrée dans l'Eglise depuis le vitrail accompagnée d'une
Mahalia Jackson pour le coup brute de décoffrage en contre plongée. Je regrette
infiniment la désynchronisation dû au lecteur de dvd à ce moment là qui m'a
empêché de goûter pleinement ce moment. ce gospel qui est presque un cri aboutit
- et toute la séquence à ce cri de Sarah-Jane. A leur "ob-scénité"
pourtant mis en scène. A faire sourdre une vérité émotionnelle du personnage à
travers le regard de la caméra et le regard des autres. Le fameux plan où l'on
voit la sortie du corbillard depuis le magasin d'antiquité contribue à créer un
système de renvoi. Il ne s'agit pas d'une simple mise à distance mais de la
création d'un regard. Les films ou bien les séquences mélodramatiques montrent l'émotion humaine et les larmes à travers le regard que le
personnage porte sur les choses nous éprouvons ce qu'il ressent, mais aussi
nous ressentons la souffrance qu'un autre personnage peut ressentir pour lui.
Le thème de la fenêtre et du miroir sont chers à Sirk. La peine est sincère
pourtant elle a besoin de l'autre. Et le cinéma est tout à fait apte à
construire cet autre. De la sorte l'émotion est partagée. Dans une fiction on
fait semblant, on fait comme si cet autre n'existait pas. Sirk au contraire
tout restant dans la fiction, dans son imitation ("of life"), fait du
regard nécessaire de cet autre une incarnation : soit un personnage, soit un
élément du décor, comme le miroir la fenêtre ou bien un objet qui prendra une
valeur symbolique au premier plan, pour montrer toute la profondeur de champ
dans lequel va se dépolyer le personnage et pour dire quelquechose de ses
sentiments. Par exemple nous sommes témoins du clivage et de las ouffrance de
sarh-Jane dés la deuxième séquence avec la Barbie noire au travers des yeux de
la petite Suzie puis de Annie sa mère, enfin de Lora au final. D’ailleurs je
trouve intéressant que dans la chaîne que les quatre femmes formes, Lora ne
soit finalement qu'un point de départ ou d'aboutissement mais pas réellement le
cœur de leur rapport.
Martine
j'aime bien ton commentaire sur les regards croisés, des uns sur les autres.
J'avais noté un truc sur l'amitié, où je rejoignais le point de vue - exigeant - de Michèle, en la matière. Pfuit !!! il est parti. Son point de vue s'est clarifié par écrit, à côté de la passion du débat à la Bottière.
La blessure d'Annie est celle de sa fille Satah-Jane, mais elle est aussi sociale et politique de par le poids de la ségrégation raciale de l'époque aux USA. Blessure intemporelle et universelle de tout homme opprimé, et dominé. (Annie serait pour moi, la part d'ombre de Lora)
Alain
Intéressante la dernière phrase : que Annie serait la part d'ombre de Lora.
Commentaire ("Le monde")
Mirage de la vie est le dernier film de Douglas Sirk. Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente Douglas Sirk se retire donc avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. La photographie montre une superbe utilisation de la couleur. Pris au premier degré, le fond du propos est passablement conservateur : ce que Sirk appelle un mauvais simulacre de vie (an imitation of life) est à la fois la vie de cette actrice qui préfère sa carrière à un mariage un peu terne et celle de la jeune fille qui refuse (certes maladroitement) les schémas classiques associés à la couleur de peau de sa mère. Malgré les mauvaises critiques qui soulignèrent le côté mélo, le film fut un énorme succès et la carrière de Douglas Sirk put ainsi se terminer avec un certain panache.
Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente.
Douglas Sirk se retire au sommet de sa carrière avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. Le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'une des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre) mais aussi bien de tous ceux qui ont renouveler le cinéma en posant des questions aussi bien existentielles que de société comme celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier).
Débat : Le mélodrame et critique sociale : Produire de l'émotion, tirer des larmes empêche til la réflexion ?
(Douglas Sirk le maître du mélodrame flamboyant des années 50 est l'un des grandes référence de Aki Kaurismäki (Le Havre), mais aussi bien celle de Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Lars von Trier. )
COMMENTAIRES avant et après la séance
Michèle
Prem's Je viendrai avec un drap, faut bien ça comme mouchoir
!!!
Martine
J'pleure pas facilement ; un coin du drap me suffira.
Michèle
Et si je pèle des oignons à côté de toi ???
Alain
Michèle
C'est pas faux. Remarque le fado c'est tire-larmes aussi
Alain
Larmes qui se noient en effet dans le Tage. (Amalia
Rodrigues joue dans les amants du Tage).
Martine
On voit que les hommes n'aiment pas pleurer, il n'y en a pas
beaucoup pour le moment. Un peu de mélo, j'aime bien. A mercredi.
Alain
Ils pleurent mais ne le disent pas
Michèle
Boys don't cry ....
Certaines femmes n'aiment pas voir un homme pleurer et on
apprend aux garçons de ne pas pleurer, ils se cachent... Mais le cliché des
filles aux larmes faciles, pas d'accord !!! Hein, Martine !
Martine
C'est beau un homme
qui pleure
Michèle
Moi, ça me fait chialer de voir un homme pleurer
Sans rire, je trouve ça émouvant et puis normal, tout
simplement...
François
Pleureur éminent et éminemment romantique .je sollicite
l'autorisation de participer à cette projection....
Michèle
Inscris-toi Tu découvriras ces séances qui sont toujours
suivies d'échanges très intéressants et ce sont toujours de très bons films.
Alain
Je dirai même mieux...très intéressants les débats et les
films sont toujours très très bons
En commentant avec les enfants des écoles le film "
L'histoire sans fin" j'ai compris que derrière une larme coule une autre
larme. Et que si une larme est vraie elle aussi de fiction- et versa. Ce sont
nos histoires qui nous font pleurer. En effet Bastien pleure parce qu'il lit dans le grenier où
il s'est réfugié, l'histoire d''Atreyou qui vient de perdre son beau cheval
blanc dans les "marais de la mélancolie" (plus on est mélancolique
plus on s'y enfonce).
On passe du gros plan des larmes d'Atreyou au gros plan en
contre plongée aux larme de Bastien éplorée sur les pages du livre grand ouvert
sur ses genoux - du coup les larmes paraissent dérisoires aux enfants comme un
mauvais mélo et qui les font rire. Tandis que leurs professeurs la plupart du
temps quand je passait l'extrait leur commandaient de ne pas rire. Pourtant
c'est le tour de force de Wolfgang Petersen : il faut prendre la séquences dans
les deux registres ; il y a une intention comique de la part du réalisateur
autant que dramatique, puisque Bastien dans le film a perdu lui non pas son
cheval mais sa mère. Et que la perte du cheval de fiction le renvoie à celle de
sa maman. Un premier et un deuxième degré simultanés : c'est ça la larme au
cinéma. Cette séquence est l'une des plus belles mises en abîme du cinéma.
Elise
Tout à fait... L'émotion ressentie vient du fait que l'on s'identifie au
personnage et plus l' histoire nous est proche et bien retransmise, plus
l'émotion sera grande... Mais, dis-moi, à quand "L'histoire sans fin"
à la Bottière ? Ton commentaire donne envie, en tous cas... Je terminerais en
confirmant la grande richesse des débats et la qualité des films... si, si,
si...
Philippe
Je ne connais pas du tout la filmographie de "Douglas
Sirk"
Un mélo pourquoi pas ?
il faut que je prévois un mouchoir, ça tombe bien car je
suis enrhumé en ce moment
Alain
Je serai enrhumé moi aussi mercredi , mais on aura le temps
du générique de fin pour sécher nos larmes et renifler. Philippe derrière son
rhume pourra aussi rire quand on pleurera, il a aura le droit ! Ne pas se
retenir. "de la sciure, du rire et des larmes" (carton qui introduit
"Le cirque" de Chaplin).
Michèle
Quel beau concert en perspective !
Elise
Euh, c'est un concert ce soir... ou une séance ciné...? Je
ne sais plus...
Alain
Les deux mon capitaine et plus avec affinités
Stephane
Merci Alain (et Mélina ). film intéressant qui aura eu le
mérite de susciter des débats
Martine
Trop de débat, tue le débat; par où commencer? Toujours en
tête , ce matin, les siècles d'oppression de la ségrégation raciale, exprimés,
scandés, à travers la voix sublime de Mahalia jackson, accompagnant ce
magnifique enterrement d'Annie, seul moment de sa vie où elle ne se cache plus
"pour ne pas gêner, les blancs" ; elle existe à travers sa mort.
Finalement je m'arrête là et j'écoute encore encore cette
voix sublime.
Au fait, j'ai aimé ce film.
Michèle
Quel calme après la discussion endiablée de hier soir !
Le loup doit ronfler dans sa tanière ou soliloquer face à
l'écran noir...
à moins qu'il ne se régale de quelques canards de l'Erdre
nourris à la brioche industrielle et à la pâte de chocolat à l'huile de
palme... Y'a plus de respect pour rien ma pôv'dame !
Purée, Annie quel personnage !!!! diablesse et sainte à la
fois !!!!
Elle a mis du temps à mourir , elle a eu le temps de dire
qu'elle achetait sur terre sa future place du bon côté de Dieu. Je suis loin
d'être convaincue que quelqu'un est réellement bon quand c'est pour son salut
personnel ! Des gens comme ça, ça ne m'émeut pas du tout, au contraire...
Martine
Michèle ! comment
être bon, quand la vie terrestre est un enfer social, affectif, intellectuel et
matériel ? Quid ? rencontrer des personnes qui font rêver comme Susie, Lora et
... Ken.
Elise
Moi je n'ai pas été suffisamment émue...A mon goût... J'ai
trouvé le film un peu long... et le seul moment qui m'a prit aux tripes c'est
le désarroi de la fille sur le cercueil de sa mère : là, ça m'a vraiment
touchée... Parce qu'au fond, les parents on les aiment... et c'est important de
ne pas couper les ponts totalement... Même si parfois c'est nécessaire pour se
protéger...Enfin...je m'égare...
Pour ce qui est de la forme, j'ai bien aimé toutes ces
couleurs vivent, notamment la tenues des femmes : ça mettait de la gaîté dans
une histoire plutôt triste...
Et le débat ensuite... Quel débat ! Les deux mères de
famille ont la même situation financière au début : elles sont fauchées...
L'une fait le choix de rester à la maison pour s'occuper des deux fillettes, et
l'autre va vivre sa passion... L'une est à l'écoute (des fillettes, de sa
colocataire...), l'autre pas... et c'est là que le bas blesse : alors, si
amitié il y a, je pense qu'elle n'est forcément qu'à sens unique...
Martine
Et v'lan ça r'commence. Vite un CD de Miss Jackson.
Françoise
Belle rencontre de deux femmes dans le désarroi, fauchées
l'une comme l'autre, l'une a un toit qu'elle partage, l'autre propose son aide
en échange...Belle complicité, confiance totale.
L'une travaille à s'en étourdir avec beaucoup de courage
pour l'époque à en oublier sa propre fille, l'autre est là pour compenser.
Jolie complicité entre Annie et Susie.
Les rapports évoluent parallèlement à la réussite
professionnelle de Lora, tout comme les endroits où elles vivent. Plus la
demeure est luxueuse, plus Annie et Lora travaillent à leur manière, solidaires
et complémentaires.
Aucun mépris, aucune haine, aucune querelle entre Lora et
Annie. On est loin de la ségrégation et de la discrimination raciales qui
sévissent à cette époque, voir" la couleur des sentiments" au
Mississipi à la même époque si ce n'est pas déjà fait pour avoir une idée
précise jusqu'où cela pouvait aller...
Terrible problème d'acceptation de Sarah Jane et prise de
conscience tardive et très touchante demande de pardon
L'une est blanche et l'autre noire, et alors???
Michèle
Belle rencontre entre deux femmes qui se trouvent à point
nommé quand elles ont besoin d'aide, l'une et l'autre. Mais, pour rester plus
qu'une nuit Annie est habile; elle sait se rendre utile et joue savamment avec
le désarroi de Lora et son envie de réussir. Quand elle répond au téléphone le
1er soir en est l'illustration. Faisant ainsi, elle flatte le désir de réussir
et paraître de Lora en faisant croire qu'elle a une gouvernante. Mais c'est de
bonne guerre, Annie doit trouver un toit. Elle est sans toit car elle est
partie de là où elle vivait avant à cause de Sarah Jane qui était rejetée car
sa mère est noire...
Nous avons parlé de différence de couleur hier soir mais
cela va au-delà. Il s'agit, selon moi, d'un point de vue humain, de classe
sociale aussi. J'ai souvenir d'une femme écrivain réputée ( dont j'ai oublié le
nom) qui a hébergé une femme sans toit chez elle. La SDF a voulu être sa
secrétaire; ben non.. Elle est devenue ce qu'elle devait être, sans passer par
la case " service" parce qu'on lui donnait un toit. Pour moi, c'est
un bel exemple de solidarité, de complicité, de partage et d'amitié. L'écrivain
a écrit un bouquin et les droits de vente ont été partagés en 2.
Mais je suis hors sujet, hors du film. ceci dit notre débat
a tourné autour de ce qu'est l'amitié. Nous en avons tous une idée et une
vision différente; tant mieux !
Michèle
Pour en revenir aux propos de Elise; Alain a évoqué
brièvement l'importance des couleurs pour Douglas Sirk pendant sa présentation
du film. Un détail dont je me souviens : la robe et le gilet assorti de Sarah
Jane sont jaunes quand elle va voir son copain qui lui tape dessus car il a
découvert qu'elle n'est pas blanche. Le jaune évoque l'importance des
apparences pour Douglas Sirk...
Si on inversait les rôles ? C'est peut-être ça aussi qu'a
voulu nous dire le réalisateur ? Je suis étonnée qu'un mélo d'apparence ringard
nous ait donné l'occasion d'échanges passionnés. Cela prouve qu'il n'est pas
ringard quant aux sujets.
Oui, Elise, il faut savoir se dire ne pas être enfant de ses
parents pour exister.
Qui sait en me voyant que j'ai des ancêtres africains ?
Elise
Eh oui... Un débat passionné et passionnant...
Françoise
Et oui Michèle l'amitié est une valeur sûre et je ne vois
évidemment pas de manipulation ni autres intérêts bassement matériels dans ce
mélola
Le ciel et la terre sont en elles, que veux tu...on ne me
refera pas
Martine
Plus j'avance en réflexion et me rapproche des idées de
Michèle dans le domaine de la relation d'amitié. Annie aurait pu aussi s'émanciper, au rythme
de l'évolution sociale & professionnelle de Lora, c'était le + juste, MAIS
la dictature ségrégationniste l'a emporté. Une amitié ne se vit que dans la
liberté, en effet ; se vouloir dans la même matrice, n'est que fusion mortifère.
Là, je rejoins Michèle, Annie s'est coulée dans ce moule, pour la sécurité de
sa fille et ... la sienne. Pouvait-elle y échapper dans un tel contexte social
? du moins PAS au début de leur rencontre où elles se complétaient comme le
décrit Doudou 44. L'amitié n'est acquise que dans la liberté et la juste place
de chacun ça prend un sacré bout de temps. Les couleurs me reviennent : bleu,
jaune, rouge. très flashy.
Alain
les échanges ont été les plus accrochés que d'habitude :
j'ai bien aimé.
Si le film nous laisse dans des dispositions aussi
différentes on peut être sûr qu'il a une épaisseur.Je mouline depuis hier sur
ce qu'est un couple. Sur la parité qui ne serait pas l'égalité (un couple au
sens large : d'amis, d'amants, de compagnons). La parité c'est aussi des
personnages dans le récit ils fonctionnent par paire. Selon des lignes
infinitaires, où les personnages se correspondent ou bien s'appellent, se
dynamisent : Par exemple la bonté de
Lora Meredith la blanche correspond et appelle celle d'Annie Jackson la noire.
La crise de Suzy la Barbie blanche résonne avec celle de La jeune femme noire.
La prise distance de Suzy - L'indépendance de Lora correspond à la distance
que sa fille prendra vis à vis d'elle, pour sortir de son rôle de petite, et
l’appelle. Et tout est construit comme ça.
Je crois que ce qui pourrait caractériser au fond ces parité
c'est ce qui peut se passe entre grand-parent et petits enfants quand la sauce
prend entre deux individus d'âge différents, comme des affinités électives qui
sautent les générations. Ce que montre Sirk c'est ça : c'est que à des lignées
brisées, ou des destin sans ligne, il est possible de leur substituer d'autres
lignées. Il y a de la réparation. Et c'est me semble-t-il l'essence du
mélodrame. Le lien brisé est là pour un autre lien possible sur la
ligne de fracture.
On ne sort pas du cercle (de sa destinée, de sa condition,
du système) dit Sirk ; pourtant il dit aussi le contraire : A l'intérieur du
cercle, par des élans de résistance, l'aspiration au bonheur, l'accomplissement
de ses dons, par le respect de soi, et l'attention à l'autre, on en sort aussi.
Même si le cercle nous rattrape, il est ouvert. Ce que n'aime pas Douglas Sirk
dans le Happy-end auquel Hollywood l'oblige c'est qu'il sert la politique de
l'autruche. Il ne sert pas a montrer la
fermeture du cercle ni son ouverture. Quoiqu'il reconnaisse l’optimisme
culturel des américains il en propose une autre vision où la lumière fait son
chemin à partir des ombres personnelles et des contraintes sociales sans les
gommer.
Je me suis interrogé
sur le fait que Sirk replace un serviteur noir parmi les "domestiques"
de Lora Méredith. Ce n'est pas gratuit, il a voulu peindre la société
américaine là où elle en était sans moralisme. Je n'aurai pas été en désaccord
avec les réactions d'hier concernant les aspects stéréotypés du film, si
justement elles avaient été dénuées de moralisme. Elles manquaient à mon avis
le tableau que Sirk justement a brossé dans le sens contraire.
Le Kent de Barbie : Que John Gavin ( Steve Archer le photographe) paraisse lisse et
fade ou toujours souriant c'est tout à fait normal : il est fabriqué comme ça.
D'autre part dans le film son personnage s'efface devant les 4 femmes qui fonctionnent comme 4
couples : filles-mères blanches et filles-mère noire, les deux filles et les
deux mères.
Martine
j'aime bien ton commentaire sur les regards croisés, des uns sur les autres.
J'avais noté un truc sur l'amitié, où je rejoignais le point de vue - exigeant - de Michèle, en la matière. Pfuit !!! il est parti. Son point de vue s'est clarifié par écrit, à côté de la passion du débat à la Bottière.
La blessure d'Annie est celle de sa fille Satah-Jane, mais elle est aussi sociale et politique de par le poids de la ségrégation raciale de l'époque aux USA. Blessure intemporelle et universelle de tout homme opprimé, et dominé. (Annie serait pour moi, la part d'ombre de Lora)
Alain
Intéressante la dernière phrase : que Annie serait la part d'ombre de Lora.
Abandon et indifférence se déplacent d'un couple de
personnages à l'autre. 4 paires pourrait-on dire, ce n'est pas un film sur
l'amitié ou l'amour mais sur ce qui fait l'amour et l'amitié : la
parité. Sur le côte à côte. Qui est trompé, trahi,i reste indéfectible avec le
temps. Un autre exemple de relation paritaire c'est cette affinité élective qui
lie certains grands-parents à l'un de leur petits-enfants. Pourquoi la sauce
prend on ne saurait le dire et il n'est pas important que soit l'un des membre
de la paire qui en soit à l'origine (ici Annie dans la paire qu'elle forme avec
Lora). Cette parité, n’est pas de l'égalité, car personne n'est égal à
personne. C'est une reconnaissance mutuelle dans laquelle chacun se sent
exister pour ce qu'il-elle est. C'est ce qui devrait fonder n'importe quelle
cellule familiale ou autre groupe. Quand il n'y pas parité dans le couple il y
a rapport de force et révolte puis séparation ou fugue, réaction. Dans la
relation il faut qu'il y ait appariement.
Et celui-ci inclus la part d'ombre.
Je trouve la critique de Sirk subtile. Il aime ses 4
personnages féminins jusque dans leur défauts, leur identification à leur
valeur d'origine contre lesquelles ces femmes luttent, ouvrant un espace de jeu
dans l'oppression sociale et ses rapports de force toujours prêt de se
refermer.
Le fait d'avoir revu une fois de plus ce film que je connais
depuis 20 ans, me permet de mieux comprendre comment Sirk épouse ses
personnages avec leurs travers sans s'identifier à elles, en gardant la même
proximité et la même distance de gentleman que celle qu'il avait avec ses
actrices et acteurs. Une noblesse qui va chercher le plus sombre de la culture
américaine. Qui s'oppose à l'optimisme béat américain : à son déni du fait que
cette culture se fonde sur deux génocides. Une culture américaine paradoxale
aimable et meurtrière; à la fois
extraordinairement individualiste et communautaire voire solidaire - c'est le
paradoxe - qu'il me semble que Sirk retourne comme un gant dans le clivage des
personnages.
La subtilité pour moi consiste par exemple dans le fait que
l’absence de Lora pour les autres personnages avec qui elle forme autant de
paire est montrée comme la conséquence de son indépendance et de sa réussite,
ce que les autres personnages lui reprochent : Steve d'abord puis sa fille
enfin Annie. Mais tout à la fois elle est montrée comme une indifférence au
final jusqu'au déni. La subtilité c'est que le premier à l'exprimer, avant que
cela ne vienne, est aussi celui qui s'oppose à son épanouissement, et que celle
qui au contraire est présente constamment aux autres, Annie n'en est pas payées
de récompense en retour. Raison pour laquelle elle s’octroie au final une
magnifique revanche avec son enterrement.
Le paradoxe est que celle qui fait presque du développement
personnel avec son monde, avec sa fille avec la fille métis en perdition de sa servante, se trouve
simultanément dans la même scène en position de quasi d'irrespect. Ou le
contraire plutôt.
je trouve aussi forte la séquence d'anthologie du film où
Annie retrouve sa fille dans la chambre du motel après le shows de music-hall,
que celle où Suzy reproche à sa mère son
absence, Suzy prend de l'ascendant sur sa mère Sirk l'exprime avec une plongée ou Suzy est debout et domine sa mère en position basse. Tandis que dans le
plan suivant on la reprend en contre-plongée quand Suzy s'effondre aux pieds de
sa mère s'excusant de l'avoir blessée.
ou bien la séquence où Lora remonte les bretelles à
Sarah-jane quand celle-ci fait sa petite satire excellente de l'esclavage
"bouana" banania. Elle office dans sa position de maîtresse, et Suzy
en fait l'imitation (of life). Mais Lora en comprend l'origine et retourne le
cadeau à l'envoyeur sa vérité avec. Mais en oublie la vanité de son mode de vie
à elle où apparaît en relief la différence de classe que pourtant Sarah-Jane
met en lumière. Deux vérités et deux faux-semblants. Ou bien on peut dire que
la vérité provient du faux-semblant dans la mise en scène de Sirk et qui
correspond au titre : imitation of
life.
A travers le jeu et la position sociale, le jeux des images
et des apparences. Qui nous montre quoi ? Que les stéréotype effectivement ne
sont pas innocent mais porteur d'une charge sociale qui vient de loin et font
la culture, mais qui nous permettent aussi de vivre et dont on peut faire jouer la contrainte. Contrairement à
certaine réaction, au début du débat, je ne crois que l'on s'affranchisse des
images sociales, et je nous crois plus à
l'aise à les faire jouer à ne pas s'en débarrasser, les nier, alors la
contrainte dont elles sont porteuse peut
nous rattraper. Les stéréotype sont des masques, ils nous habillent, ils nous
permettent d'avancer, ils nous structurent aussi. Ils permettent aussi de
respecter nos fragilités dés lors que nous entrons dans un faux semblants qui
n'est pas contradictoire avec notre vérité profonde. Je crois même qu'en
battant en brèche tout stéréotype du même coup on ne respecte notre fragilité
notre intimité. Là où sous l'apparence c'est vivant.
Michèle
Je vous trouve injuste envers Steve. Je ne le trouve pas si inconsistant. Certes, il a tenté d'imposer sa vision figée du couple en exigeant que Lora renonce à son désir de carrière; mais il l'a toujours suivie. Il l'accompagne fidèlement, il l'aide à sa façon. Il en ressort un inversement des rôles, il est féminin dans le sens de la vision conventionnelle du couple : celui qui attend, qui garde le foyer etc. pendant que l'autre vit pleinement son rôle social. Il est masculin dans le sens où il permet à Suzie de se révéler femme, avec du désir, l'envie de séduire... Il la conforte dans cette féminité. Elle n'est pas satisfaisante, bien entendu, puisque incomplète. Mais bon, faut pas trop lui en demander au bonhomme quand même !!! Il est encore dans les schémas de l'époque; l'émancipation féminine est loin d'être aboutie ! L'est-elle aujourd'hui ?
Michèle
Je vous trouve injuste envers Steve. Je ne le trouve pas si inconsistant. Certes, il a tenté d'imposer sa vision figée du couple en exigeant que Lora renonce à son désir de carrière; mais il l'a toujours suivie. Il l'accompagne fidèlement, il l'aide à sa façon. Il en ressort un inversement des rôles, il est féminin dans le sens de la vision conventionnelle du couple : celui qui attend, qui garde le foyer etc. pendant que l'autre vit pleinement son rôle social. Il est masculin dans le sens où il permet à Suzie de se révéler femme, avec du désir, l'envie de séduire... Il la conforte dans cette féminité. Elle n'est pas satisfaisante, bien entendu, puisque incomplète. Mais bon, faut pas trop lui en demander au bonhomme quand même !!! Il est encore dans les schémas de l'époque; l'émancipation féminine est loin d'être aboutie ! L'est-elle aujourd'hui ?
Mirage de la vie est le dernier film de Douglas Sirk. Une jeune femme, voulant devenir actrice et vivant seule avec sa fille de 5 ans prend sous son aile une femme noire, veuve elle aussi et mère d’une fillette du même âge, blanche de peau. Nous les retrouvons dix ans plus tard alors que l’actrice connaît un certain succès. Toutes deux ont des soucis avec leur fille devenue adolescente Douglas Sirk se retire donc avec un grand mélodrame qui tire toute sa force d’une mise en scène sans faille et d’une interprétation pleine de consistance, particulièrement par les quatre actrices principales. La photographie montre une superbe utilisation de la couleur. Pris au premier degré, le fond du propos est passablement conservateur : ce que Sirk appelle un mauvais simulacre de vie (an imitation of life) est à la fois la vie de cette actrice qui préfère sa carrière à un mariage un peu terne et celle de la jeune fille qui refuse (certes maladroitement) les schémas classiques associés à la couleur de peau de sa mère. Malgré les mauvaises critiques qui soulignèrent le côté mélo, le film fut un énorme succès et la carrière de Douglas Sirk put ainsi se terminer avec un certain panache.